Vous trouverez ici des chapitres des livres à lire à la suite si vous y revenez:
(Ces extraits n’incluent pas les images,)
Considérations philosophiques
sur les enjeux économiques et sociaux
La Voie de l’humanité, livre 1
Jean-Marie Paglia
L’ouvrage est dédié aux personnes qu’une lecture aride
ne rebute pas, et qui savent goûter la satisfaction d’une
réflexion approfondie.
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Prologue
À l’heure actuelle, la plupart des humains se posent sans
doute de sérieuses questions sur la voie que suit l’humanité.
Il semble qu’un amas de problèmes majeurs l’assaille, pour
lesquels aucune solution n’est en vue, et d’autre part il n’y
a aucune idée formulée et acceptée qui définisse le chemin
que l’humanité est en train de suivre, comme si celle-ci
avançait de façon ferme et décidée vers son but, mais sans
avoir aucun but du tout.
Les pages qui suivent expriment la perplexité et les
réflexions de l’individu moyen et ordinaire, celui qui n’est
pas un expert, celui à qui on ne demande rien. Et pourtant,
il pense, il s’informe, il écoute les voix les plus diverses car il
aimerait bien comprendre et influencer son destin. Entrons
dans ses pensées et suivons-les, développons-les, ce sont les
vôtres, ce sont les nôtres, nous serons peut-être surpris de
voir combien nos idées sont proches. Ces pages proviennent
de tous les horizons et s’adressent à chacune des personnes
qui habitent cette Terre. Mais armons-nous de courage
pour aller au bout, le chemin n’est pas très facile.
Jetons un coup d’oeil autour de nous, suivons à la trace les
observateurs des problèmes de notre monde.
Examinons d’abord dans le présent volume la situation
au niveau économique et social.
Que verrons-nous ?
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- Un coup d’oeil sur la planète
Nous voyons Bombay, voici quelques détails tirés d’un
article du Monde Diplomatique, (1) « Une obsession nommée
Bombay » :
« Sur une superficie d’environ un kilomètre carré, de
nombreux habitants des taudis ont construit deux ou
trois greniers au-dessus de leur masure et les louent
à d’autres pauvres hères. Chaque baraque abrite en
moyenne dix personnes. Nul ne sait combien de misérables
vivent dans Reay Road, mais le chiffre augmente
tous les jours, tout comme le chaos […]
Et, à dire vrai, personne ne sait avec certitude combien
d’habitants compte Bombay. Les recensements officiels
font état de 12 millions d’habitants… dont la moitié de
sans-abri… Mais, en raison du flot ininterrompu d’immigrants,
de la population des slums et des centaines
d’enfants non déclarés qui naissent chaque jour, il se
pourrait qu’ils soient en fait près de 16 millions[…]
La métropole attire chaque jour des milliers de personnes
venues du reste du pays pour croiser le bonheur
dans cette « ville de l’espoir », convaincus qu’ils y trouveront
un emploi […]
Alors ils survivent ici, sur la route, jour après jour, malgré
la pollution, la chaleur insupportable, la malnutrition,
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la saleté, le grondement des camions qui passent à toute
allure, les accidents, les maladies, les rats énormes et les
corbeaux, les caniveaux puants, le dégoût des passants
mieux lotis et les inondations de la mousson […]
Il faut un certain temps pour comprendre pourquoi
cette ville continue à attirer un afflux incessant d’étrangers
qui espèrent y faire fortune. Elle est démesurée,
étouffante, bondée, polluée, suffocante, encombrée,
congestionnée par la circulation, et dégage les visions
et les odeurs les plus effroyables de la pauvreté et de
la maladie. Si vous êtes pauvre, vous vivez dans des
conditions inhumaines. Si vous êtes riche (1% de la
population), la mafia vous harcèle constamment. Pour
qui appartient aux classes moyennes, le fait de partir de
chez soi chaque matin est un combat ; il faut se battre
contre les autres véhicules, négocier les nids de poule,
essayer d’ignorer les petites mains implorantes qui s’accrochent
aux vitres de la voiture… »
Ce témoignage pourrait s’appliquer à des centaines
d’autres agglomérations et constitue une pièce probante sur
un aspect de la planète.
Nous sommes régulièrement mis au courant de l’état
général de la planète. En voici quelques exemples tirés
de sites qui surveillent les problèmes mondiaux. De nombreuses
sources d’information sont à notre disposition. Les
données citées dans ce chapitre proviennent principalement
du site Internet Global Issues (2) qui présente une analyse très
complète des problèmes sociaux, économiques et politiques
de notre monde. Voici donc un petit résumé du tableau
général, une réalité que l’on supporte beaucoup mieux
quand elle est réduite à un chiffrage statistique :
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Deux milliards d’humains sont victimes de malnutrition
et 18 millions meurent de faim chaque année.
Des millions de gens meurent chaque année de maladies
tout à fait guérissables et évitables.
1,3 milliard de gens ne disposent pas d’eau potable, 3
milliards n’ont pas d’équipement sanitaire, 2 milliards n’ont
pas d’électricité.
La pauvreté, la faim, la malnutrition, la maladie, les
conditions d’hygiène déplorables, l’illettrisme hantent une
grande partie de l’humanité. On pourrait détailler la description
de notre monde à nous en parlant de l’exploitation
des enfants (25 millions d’enfants sont exploités dans des
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conditions de travail inacceptable), des conditions faites aux
femmes, du respect des droits humains fondamentaux.
Aussi serait-il bien intéressant d’arriver à comprendre
comment l’homme en arrive à faire un tel gâchis de son
existence et de sa dignité.
Nous, les hommes, nous sommes vraiment de pauvres
cloches.
La genèse historique de notre tragédie mondiale résulte
en grande partie du choc des cultures. Au cours des derniers
siècles, les cultures agressives mercantilistes d’Europe sont
entrées en contact avec des économies de subsistance paisibles.
On se souvient que le contact ne fut pas harmonieux.
On repense aux Conquistadores s’emparant de l’or, des
terres, des âmes et des personnes des nouvelles Indes. On
repense à la traite du Bois d’Ébène. Les disparités culturelles
étaient trop grandes pour engendrer des échanges
équitables.
Il semble que la tragédie du sous-développement trouve
sa source dans ces échanges historiques. Le colonialisme a
ouvert de vastes territoires à l’exploitation des nations riches.
Les peuples colonisés se sont trouvés en état d’infériorité
économique, et ils y sont restés.
Suite à la décolonisation, les points cruciaux du commerce
restent sous le contrôle des puissances dominantes,
notamment grâce aux élites locales dont on s’attache la
loyauté.
Les plus riches déterminent les règles de commerce,
façonnent les institutions internationales et contrôlent
l’information.
Cette supériorité commerciale signifie l’avantage d’utiliser
les ressources à bon compte, ce qui prive le pays fournisseur
d’une part équitable.
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Les règles de développement que les institutions internationales
imposent aux pays pauvres maintiennent la
dépendance et le sous-développement de ces derniers, car
elles favorisent des échanges commerciaux qui se font au
détriment des pays pauvres.
Les nations pauvres n’obtiennent plus les moyens de
produire leur propre alimentation et de créer leur propre
industrie.
Le libre-échange ne garantit pas des échanges équitables.
La richesse continue d’être transférée vers les pays les plus
riches. Les pays les plus faibles sont forcés d’accepter des
échanges inégaux.
Par ailleurs, les pays riches savent bien se protéger contre
les importations qui pourraient nuire à leur économie.
Les pays pauvres ont besoin d’investissements cruciaux
dans les domaines des infrastructures, de l’éducation, de la
santé, avant de pouvoir établir des échanges commerciaux
équitables. Mais leur développement est obéré par le poids
de leur dette, qui a été parfois héritée de l’époque coloniale.
Le déséquilibre qui relie les deux extrêmes de l’humanité
est tissé de multiples liens de cause à effet, et qui sont
rarement mis en lumière. Prenons-en un seul, qui servira
d’exemple, celui de la dette.
Les pays décolonisés ont reçu leur dette en héritage de la
part de leurs anciens tuteurs, dans les années 60, et depuis
leur dette ne cesse de croître. Les milliards empruntés
retournent vers les pays riches qui s’enrichissent de ce trafic.
« Les pauvres subventionnent les riches » dit-on. Par le jeu
des intérêts composés, la dette ne cesse de se reproduire et
s’envole à un niveau insupportable. Le cycle infernal ne peut
s’interrompre que par l’annulation de la dette.
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Selon le rapport Jubilee 2000 de la Banque Mondiale,
la dette continue d’augmenter malgré des paiements plus
importants, et en même temps, l’aide diminue. L’aide officielle
a baissé de 20% depuis les années 90, et les pays qui
s’étaient engagés à verser un pourcentage d’aide défini n’ont
jamais tenu leur promesse.
En comparaison d’un dollar d’aide reçue, le Tiers Monde
verse treize dollars de remboursement. La production de
richesse dont ces pays ont besoin est siphonnée en dehors.
On signale que pendant les années 80, les salaires réels ont
dégringolé de 60% au Mexique, de 50% en Argentine, de
70% au Pérou.
Heureusement que nous ne savons pas tout cela, ça nous
mettrait mal à l’aise. Si nous le savons et que cela ne nous
dérange pas outre mesure, alors il faut reconnaître que nous
sommes une créature essentiellement tournée vers ellemême,
vers ses propres intérêts et préoccupations.
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N’oublions pas de mentionner que dans les pays les plus
pauvres, les gens qui sont contraints de payer la dette ne
sont pas ceux qui l’ont contractée, et qu’ils n’ont pas vu non
plus la couleur de cet argent.
Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies,
remarquait, lors d’une conférence le 30 octobre 2003 que
les pays en voie de développement avaient versé l’année
précédente près de 200 milliards de dollars à des pays tiers.
« Les fonds devraient aller des pays développés vers les
pays en voie de développement, mais les chiffres nous
disent le contraire. Les fonds qui devraient favoriser
les investissements ou la croissance dans les pays en
voie de développement, ou construire des écoles et des
hôpitaux, ou soutenir d’autres mesures […] de développement,
partent au contraire vers l’étranger. »
Le programme des Nations Unies pour le développement
estime que les transferts du Sud vers le Nord atteignent
$ 500 milliards par an, alors que l’aide adressée au Tiers
Monde totalise environ $ 50 milliards.
Selon l’économiste Manfred Max-Neef, les pays en voie
de développement subventionnent les pays industrialisés à
raison de centaines de milliards de dollars par an. Max-
Neef estime à $ 400 milliards le transfert net de l’Amérique
latine vers les pays industrialisés.(3)
Dix ans après le Sommet mondial de l’alimentation qui
promettait de réduire de moitié d’ici 2015 le nombre d’êtres
humains affectés par la sous-alimentation, aucun progrès
n’a été enregistré et 854 millions de personnes ne mangent
toujours pas à leur faim, selon le rapport annuel de la FAO
sur l’insécurité alimentaire (Octobre 2006.)
Notre monde est ce que nous en faisons. Ce que nous
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en faisons témoigne aussi de ce que nous sommes. Il faut
bien constater que nous ne réussissons pas très bien à faire
de notre monde quelque chose de convenable, et qui nous
plaise. Mais il est vrai que nous ne nous en préoccupons
pas vraiment, il s’agit pour nous de problèmes ingérables et
lointains.
N.B. Les données chiffrées dans l’ensemble de ce livre ne correspondent
sans doute plus exactement à la situation actuelle.
Le lecteur pourra évaluer par lui-même et selon ses informations
dans quelle mesure les chiffres actualisés demeurent semblables ou